Un château à l’âme slave
Qui ne connait l’existence du Château de Montrésor, cœur, depuis bientôt cent cinquante ans, d’une véritable Petite Pologne en Touraine ?
En 1849, le comte Branicki, exilé politique polonais, acheta le château de Montrésor et le restaura entièrement dans un style second empire.
Le comte Branicki recueille dans son château de très nombreux témoignages, tableaux et meubles évoquant sa Pologne natale, ainsi que des œuvres d’art de la Renaissance Italienne et de peintres hollandais du XVIIe siècle, issues de la célèbre collection du cardinal Fesch, oncle de Napoléon Ier. Plus rassembleur d’œuvres d’art que véritable collectionneur, il enrichit son château d’objets et de meubles de styles très variés, avec une dominante du style Second Empire, comme un escalier en acajou acheté à l’exposition universelle de 1855. Il y rassemble également une des plus importantes collections d’œuvres d’art polonaises en France (tableaux, pièces d’orfèvrerie). La bibliothèque du château constituée par ses soins est également riche de plusieurs milliers de volumes, dont des atlas hollandais du XVIe siècle.
Xavier Branicki
(1816 – 1879)
Le comte Branicki, né en 1816 à Varsovie, n’a pas connu la Pologne libre et indépendante de ses parents. La Pologne à cette époque, n’avait plus d’existence géographique et politique puisque partagée entre la Russie, la Prusse et l’Autriche lors du troisième partage.
Les grands parents du comte Branicki, le comte François-Xavier Branicki et le comte Félix Potocki, furent des artisans de la confédération de Targowice, laquelle fut proclamée le 27 avril 1792 et fournit le prétexte à la Russie de procéder au deuxième partage de la Pologne.
Très tôt, le comte Branicki devint un artisan forcené d’une Pologne libre et indépendante, aidant par des moyens financiers personnels très importants les mouvements indépendantistes polonais, ainsi que les mouvements libéraux russes.
Le comte Branicki fut aide de camp du Tsar Nicolas Ier jusqu’en 1843, et ce dernier le décrit comme suit : « Bon ou mauvais officier, animé du plus détestable esprit, c’est la jeune France greffée sur la vieille Pologne, maintenant je l’aurai sous la main. »
La main ferme et redoutée du Tsar Nicolas Ier ne peut retenir le comte Branicki qui choisit, après divers séjours en Italie et en France, de s’installer définitivement à Montrésor en 1849. Au cours de ses séjours, il fit la rencontre du futur Napoléon III et de l’un de ses cousins, le fils du roi Jérôme, dénommé Plon Plon, avec lequel il se lia d’une grande amitié et l’aida dans ses démarches pour obtenir un consensus sur la création d’un État polonais libre.
Cette installation française a été mûrement réfléchie. La France au milieu du XIXe siècle était politiquement et militairement, une puissance majeure en Europe.
Le comte Branicki mit beaucoup d’espoir en Napoléon III, son oncle n’avait-il pas créé l’éphémère duché de Varsovie ? Napoléon III ne s’instaura-t-il pas le champion des nationalités ?
Les espoirs du comte Branicki concernant la Pologne furent déçus.
Néanmoins dans son exil forcé et en remerciement, il participa aux campagnes militaires d’Italie et de Crimée, au remboursement, et ce dans des proportions importantes, de la dette française à l’issue de la défaite de 1870. Il contribua aussi à la création du Crédit Foncier de France, à l’amélioration de la vie sociale à Montrésor.
Le château de Montrésor est bien le reflet exact d’une vie généreuse et joyeuse. Son faste désuet est le témoignage vivant d’un état d’esprit mis à la disposition de la Pologne.